mai 1, 2025

Immigration : les libéraux gagnent, les vannes restent fermées

Les libéraux ont gagné… mais ne comptez pas sur un grand assouplissement en immigration.

Les libéraux sont de retour au pouvoir. On aurait pu croire qu’un tel résultat allait s’accompagner d’un nouveau souffle en matière d’immigration, un relâchement attendu après des mois de durcissement. Pourtant, à y regarder de plus près, rien n’indique que ce gouvernement aura la main plus légère que ses adversaires.

Lors de la campagne, le ton était clair : oui à l’immigration, mais dans les limites de ce que le pays peut absorber. Un discours nuancé, presque défensif, loin de l’enthousiasme traditionnel des libéraux sur ce sujet. Et pour cause : le nouveau gouvernement Carney s’est engagé à réduire la proportion de travailleurs temporaires et d’étudiants étrangers à moins de 5 % de la population — bien en deçà du pic de 7,3 %. Autrement dit, des milliers de permis d’études ou de travail temporaire en moins chaque année, au nom de la lutte contre la pression sur le logement et les services publics.

Autre mesure phare : la stabilisation des admissions de résidents permanents à moins de 1 % de la population canadienne. On continue certes de parler de talents mondiaux et de réunification familiale, mais dans un cadre de plus en plus serré, rationalisé, et fortement balisé. Une exception notable : les immigrants francophones hors Québec, dont les cibles augmentent pour atteindre 12 % d’ici 2029 — un geste stratégique autant que symbolique.

Même les mesures les plus “positives”, comme la reconnaissance accélérée des compétences étrangères ou la réduction des délais de traitement, relèvent moins d’une politique d’ouverture que d’une politique de gestion. L’enjeu n’est pas d’accueillir davantage, mais de mieux trier, mieux orienter, mieux renvoyer. On promet de renforcer les contrôles de sécurité, resserrer les critères de visa et mieux partager les données entre paliers gouvernementaux. Ce n’est pas une vision libérale classique, mais bien un recentrage — imposé par le contexte.

Et ce contexte est réel : logements saturés, écoles débordées, hôpitaux sous tension. Mais ce n’est pas nécessairement l’arrivée des immigrants qui en est la cause. C’est surtout un décalage croissant entre la croissance démographique et la capacité du système à y répondre.

D’un côté, l’opinion publique réclame des comptes sur la capacité d’accueil. De l’autre, le contexte international pousse à la rigueur. L’administration Trump, de retour à la Maison-Blanche, exige une frontière nord mieux contrôlée. Résultat immédiat : fin du “tour du poteau”, ce mécanisme bien connu permettant aux résidents temporaires de renouveler ou modifier leur statut en faisant un aller-retour express aux États-Unis.

Mais le grand paradoxe, c’est que sur le terrain, rien n’a changé. Les employeurs, eux, continuent de chercher désespérément de la main-d’œuvre. Partout — dans le pharmaceutique, l’aéronautique, la construction, la restauration, les technologies ou la santé — la dépendance aux travailleurs étrangers reste massive. Les réalités économiques démentent les discours politiques.

Alors, d’où viendra le véritable changement ? Probablement pas des élus. Mais des grappes sectorielles, des chambres de commerce, des regroupements d’employeurs qui multiplient les signaux d’alerte. Ce sont eux, plus que les partis, qui forceront des ajustements. Car dans un pays qui veut construire plus, soigner mieux et croître plus vite, il faudra bien, tôt ou tard, rouvrir les vannes.

En immigration, les vraies lignes ne bougent pas à Ottawa. Elles bougent dans les usines, les commerces, les CHSLD, les startups. Là où l’on manque de bras. Là où la réalité rattrape toujours les promesses.

L’utilisation du masculin vise uniquement à alléger le texte.
Photo de Nabil Saleh sur Unsplash
Le présent article contient de l’information générale en matière d’immigration, vise à en vulgariser les termes et ne constitue en aucun cas un avis juridique. Pour obtenir un avis juridique complet, contactez nos professionnels.
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