octobre 29, 2024
Peut-on encore recruter des travailleurs étrangers temporaires au Canada ?
Hausse du salaire médian de référence, baisse des cibles d’immigration, gel de certains programmes de permis de travail… Depuis la rentrée, les mesures restrictives en immigration se succèdent, amenant avec elles un vent d’inquiétude pour les entreprises du Québec.
NAVIGUER AU TRAVERS DE L’IMMIGRATION
Les dernières semaines ont été synonymes de nombreuses annonces en immigration, aux impacts variables. Pour bien comprendre leur portée, il faut avoir en tête les grands principes en matière d’immigration temporaire.
Les règles de base
Pour recruter un travailleur étranger, l’employeur doit faire la preuve qu’il n’a pas trouvé à pourvoir le poste localement. Cette démarche se fait via une demande d’Étude d’Impact sur le Marché du Travail (EIMT). Au Québec, la demande d’EIMT doit être conjointe à une demande de Certificat d’Acceptation du Québec (CAQ). Une fois l’EIMT/CAQ délivrés, il est possible de présenter une demande de permis de travail.
Certains programmes de permis de travail sont dispensés d’EIMT/CAQ. Ils sont regroupés sous le Programme de Mobilité Internationale (PMI).
Les permis soumis à EIMT, eux, sont regroupés sous le Programme des Travailleurs Étrangers Temporaires (PTET). Si le PMI est épargné par les diverses mesures, le PTET est quant à lui spécifiquement visé.
La question du salaire
Lorsqu’un employeur souhaite présenter une demande d’EIMT, le salaire qui sera offert à son candidat va déterminer le type d’EIMT. Si le salaire est inférieur au salaire médian de référence pour la province ou le territoire, l’EIMT sera considérée comme « à bas salaire ». S’il est au contraire supérieur, l’EIMT sera considérée comme « à haut salaire ».
Ces deux notions sont au cœur des récentes mesures.
LES MESURES, DANS LE DÉTAIL
1- Gel temporaire des demandes d’EIMT à bas salaires sur l’île de Montréal
La première mesure, et certainement la plus symbolique, vise uniquement l’île de Montréal.
Depuis le 3 septembre 2024, et jusqu’au 3 mars 2024, les demandes d’EIMT pour les postes à bas salaires dans la région administrative de Montréal ne sont plus traitées.
La région administrative de Montréal comprend les municipalités suivantes :
– Baie-D’Urfé
– Beaconsfield
– Côte-Saint-Luc
– Dollar-Des Ormeaux
– Dorval
– Hampstead
– Kirkland
– L’Île-Dorval
– Montréal
– Montréal-Est
– Montréal-Ouest
– Mont-Royal
– Pointe-Claire
– Sainte-Anne-de-Bellevue
– Senneville
– Westmount
Concrètement, un employeur qui souhaite recruter un travailleur étranger dans un poste à bas salaire, dans l’une des municipalités précédemment citées, n’a pas la possibilité de présenter une demande d’EIMT/CAQ. Cela s’applique également pour les travailleurs déjà détenteurs d’un permis de travail, qui doit être renouvelé.
2- Gel des demandes d’EIMT à bas salaires dans les Régions Métropolitaines de Recensement (RMR) où le taux de chômage est supérieur à 6,00 %
La seconde mesure entrée en vigueur vise quant à elle l’entièreté du Canada.
Depuis le 26 septembre 2024, et pour une durée indéterminée, les demandes d’EIMT pour des postes à bas salaires dans les RMR où le taux de chômage est supérieur à 6,00 % ne sont plus traitées.
Les taux de chômage de référence seront révisés quatre fois par an. À titre d’exemple, le taux de chômage de référence pour le dernier trimestre 2024 rend la présentation d’une demande d’EIMT bas salaire impossible dans les RMR de Montréal (QC), Trois-Rivières (QC), Toronto (ON), Ottawa/Gatineau (ON/QC) ou encore Vancouver (CB).
Un employeur qui souhaite recruter un travailleur étranger dans un poste à bas salaire n’a pas la possibilité de présenter une demande d’EIMT si le taux de chômage de sa RMR est supérieur à 6,00 %. Là aussi, la mesure s’applique également pour les travailleurs déjà détenteurs d’un permis de travail, qui doit être renouvelé.
En addition, la durée maximale de permis de travail pouvant être obtenue après une EIMT à bas salaire est désormais de 12 mois, contre 24 mois auparavant. Ces changements s’appliquent également aux professions visées par le processus simplifié du Québec.
Certains secteurs d’activité (déterminés par le code SCIAN de l’entreprise) sont exemptés de ces mesures. Notamment l’enseignement ou les soins de santé. Les entreprises exerçant dans ces secteurs, peuvent toujours présenter des demandes d’EIMT à bas salaire, y compris dans des RMR où le taux de chômage est supérieur à 6,00 %.
3- Hausse conséquente du salaire médian de référence pour une demande d’EIMT
À compter du 8 novembre 2024, le salaire médian de référence sera haussé de 20,00 %, soit une augmentation de 5 à 8 $ selon les provinces et territoires. Au Québec, le nouveau salaire médian sera de 32,96 $ / heure contre 27,47 $ actuellement. En Ontario, il sera de 34,07 $ contre 28,39 $ actuellement.
Cette dernière mesure vient complexifier le recrutement de nouveaux travailleurs étrangers temporaires, comme le renouvellement des permis de travail des candidats déjà en poste.
Pour pouvoir présenter une demande d’EIMT dans une RMR où le taux de chômage est supérieur à 6,00 %, si l’on n’est pas visé par les exemptions, il faut nécessairement que le poste offert soit rémunéré au-delà du salaire médian de référence. Cela est également vrai pour les travailleurs déjà recrutés via le volet des postes à bas salaires. Pour renouveler le permis de travail via une nouvelle EIMT, il faudra hausser leur salaire horaire. Des efforts qui peuvent être conséquents, voire impossibles, pour les employeurs.
QUELLES ALTERNATIVES ?
Face à ces restrictions, quelles alternatives pour une entreprise située dans une RMR où le taux de chômage est supérieur à 6,00 % ?
Jongler avec les lieux d’emploi, et les salaires
Pour une entreprise qui auraient plusieurs entités (succursales, restaurants, ou usines par exemple) dans des RMR différentes, le lieu d’emploi jouera un rôle déterminant.
Actuellement, il n’est pas possible de présenter une demande d’EIMT à bas salaire dans la RMR de Montréal. Mais cela est possible dans la RMR du Québec. Des discussions sont alors à entreprendre avec le candidat, qui pourrait être relocalisé dans un nouveau lieu de travail.
De la même manière, lorsque le salaire versé au travailleur étranger temporaire est légèrement inférieur au salaire médian de référence, une hausse est à considérer. Si cette hausse peut être absorbée par l’entreprise, elle permet de basculer dans le volet des postes à hauts salaires, et de s’affranchir des diverses mesures en place.
Attention toutefois aux enjeux d’équité salariale entre travailleurs canadiens ou résidents permanents, et travailleurs sous permis de travail.
Les permis dispensés d’EIMT
Faute de pouvoir recruter des travailleurs via une EIMT, les permis de travail dispensés d’EIMT peuvent constituer une alternative.
Expérience Internationale Canada
Le programme Expérience Internationale Canada (EIC) est par exemple ouvert à 36 nationalités. Pour les nationalités éligibles, il permet d’obtenir un permis de travail fermé d’une durée maximale de 24 mois. Et ce, sans présenter de demande d’EIMT. L’employeur doit toutefois soumettre une offre d’emploi électronique.
En accord avec les besoins en main-d’œuvre de l’entreprise, les bassins de recrutement peuvent par exemple être réorientés vers les nationalités éligibles à EIC.
Attention toutefois, le programme est saisonnier (fermé actuellement pour la saison 2024), et les permis délivrés sous EIC ne sont pas renouvelables. La question du maintien à l’emploi après le permis de travail initial doit donc être anticipée.
En dehors du Québec : la mobilité francophone
Pour les entreprises situées en dehors du Québec, recruter des francophones peut s’avérer un pari gagnant.
Le programme Mobilité Francophone permet en effet d’obtenir un permis de travail fermé, dispensé d’EIMT, généralement pour une durée de 24 mois. L’emploi n’a pas à être en français, mais le candidat lui, doit justifier de sa maîtrise de la langue.
Là encore, la question du renouvellement du statut doit être bien anticipée.
Candidats déjà au Canada
Les travailleurs étrangers temporaires déjà au Canada consistent également un bassin de recrutement qui mérite d’être étudié.
Pour ceux qui ont entamé des démarches de résidence permanente, le recours à l’EIMT pourrait être évité. Au Québec par exemple, les détenteurs d’un Certificat de Sélection du Québec (CSQ) accèdent à des programmes de permis de travail dispensés d’EIMT.
Plus largement, de nombreux résidents temporaires au Canada disposent d’un permis de travail ouvert, leur permettant de travailler sans que d’autres démarches doivent être engagées par l’entreprise.
Dans ce contexte, et face à la complexité des mesures, nos Professionnels peuvent vous aider à bâtir la meilleure stratégie pour répondre à vos besoins en main-d’œuvre.
Si vous avez la moindre question sur ces mesures, nos Professionnels demeurent disponibles en tout temps : info@immetis.com.
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